- Les Serfs (questaus) payant chaque année un impôt spécial « la queste », marque de leur servilité. Le serf est attaché à la terre.
- Les hommes libres : en Béarn, les non nobles étaient protégés contre l’arbitraire du Seigneur par les FORS du XII au XIVème siècle. Ils possèdent des terres roturières moyennant une redevance « un cens ». Les communes affranchies, dont Montardon, de la sénéchaussée de Morlaas, reçurent le For de ce lie dit « For de Morlaas ».
- La noblesse qui comprend la noblesse terrienne possédant les terres nobles (domenjadures) et la noblesse avec blason. Les Seigneurs de Montardon appartiendront à ces deux catégories.
Mais l’unité de la vie rurale, c’est l’ »Ostau ». Quel que soit l’emplacement choisi, l’ »Ostau » représente la maison et le bien terrien qu’elle constitue.
Il faut absolument garder ce bien et le transmettre si possible dans son intégralité, voir même augmenter de quelques arpents, plus que la notion d’individu ou de famille, elle est la réalité tangible, d’où l’importance de l’Héritier de ce bien immobilier.
C’est en effet « l’Aîné » qui a ce privilège, quitte à charger celui-ci d’entretenir et de marier les Cadets et Cadettes qui se trouvaient pratiquement déshérités. Pourtant, personne ne s’élève contre ce droit. Tous les membres de la Famille (épouse, frères, soeurs, domestiques même) savent que l’union de tous et la non division du bien constituent la Sécurité de la Vie.
A la mort du chef de famille (« Cap d’Ostau »), l’aîné ou l’aînée prend la responsabilité du bien, tout en conservant à l’épouse tant qu’elle demeure veuve, l’usufruit de ce bien.
« … lègue à mon épouse tant qu’elle restera en viduité et par préciput et hors part à mon fils premier né, le quart de tous mes biens pour en jouir au décès de sa mère ayant légué ci-dessus la jouissance pendant sa vie, puis en suivant au fils cadet et autres enfants dans la chronologie de naissance … »
Réf. : relevé sur l’original d’un testament d’une Famille de Montardon.
A défaut de mâle, c’est la fille aînée qui a les mêmes droits et les mêmes devoirs que le fils aîné. La loi salique, c’est à dire l’obligation d’une succession masculine n’existant pas en Béarn.
Il était d’un usage courant que le cadet d’une famille épousa une héritière, le mari devenant en somme, le prince consort. Il prenait alors le nom de famille de son épouse qu’il accolait au sien.
Se créait ainsi une sorte d’aristocratie de paysans propriétaire, avec son assemblée de « Besius ou Besiaus » (les voisins), membres actifs de la communauté rurale, reconnus et admis comme tels, parfois avec droit d’entrée, d’ou l’importance de ce voisinage qui créait droits et obligations, d’où un mariage réalisé souvent ainsi par voisinage.
Un exemple à Montardon parmi bien d’autres : Lescloupé et Boulogne, nous en retrouverons plus loin trace lors de l’étude des registres paroissiaux de la commune. Le mariage se faisait aussi souvent entre habitants des communes voisines, Serres-Castet et Buros.
« L’homme apportait le lit, la femme l’armoire ». C’était toujours celui ou celle qui entrait dans la maison (le gendre ou la bru) qui apportait le matériel et le linge de cuisine et la dot souvent en espèces. La dot des filles, la soulte des frères devaient être en rapport avec la valeur totale de la propriété. Une estimation était faite par un notaire ou un homme du village, compétent et intègre. L’argent de la dot était souvent « transféré » en achat de bétail (vaches), qui garantissait ainsi sa valeur.
Quand l’accord était réalisé, on célébrait le mariage. Cette cérémonie avait lieu jusqu’à la Révolution à Serres-Castet, puisque Montardon n’avait ni église ni curé, mais dépendait de l’archiprêtre de Serres-Castet.
D’après les anciennes traditions, on tirait des cartouches de fusil sur le passage des futurs époux, les portes de l’église étaient attachées au fil de fer et un ensemble de ronces enchevêtrées en forme de guirlandes en empêchaient l’accès.
Le jeune marié donnait un cadeau, s’il était jugé suffisant, on dégagé l’accès de l’église et la cérémonie avait lieu.
Quant au « Charivari », il était réservé au remariage des veuves ou des veufs.
Toute nouvelle maison ainsi crée devait pouvoir , pour subsister, disposer de moyens d’existence autonome, cela était possible si le partage de la maison mère devenait viable, soit :
- un accroissement des terres (mariage ou achat)
- l’amélioration du rendement
- des innovations culturales ou techniques, ces deux cas ne seront utilisés que récemment
- la construction d’un nouveau patrimoine foncier indépendant par défrichement. Cela supposait la possession d’un matériel agricole puissant remplaçant les bêtes de trait et les araires.L’importance du défrichement des Landes incultes du Pont-Long représentait un travail énorme avec les moyens de l’époque. Pour le premier défrichage du Pont-Long avec double attelage de bêtes, un paysan, dans toute une journée de travail, arrivait à tracer un seul sillon.
La vie à Montardon était donc difficile, réduite aux ressources du jardin, de la basse-cour, de l’agriculture dans des parcelles souvent limitées. La superficie de la commune comprenait alors 189 Biens communaux et 1049 arpents aux particuliers.
Une grande stabilité s’établira pourtant dans cette population rurale, où pendant 600 ans, nous retrouveront ainsi les mêmes emplacements des maisons avec les mêmes noms de famille. Ces maisons où sont conservés fidèlement grâce à des documents manuscrits les traces de ces vies écoulées, avec leurs joies, leurs peines et le travail incessant sur cette terre qui les a nourri pendant des siècles au rythme des saisons.
Quant à ceux qui auraient alourdi le charge familiale, ils devaient s’expatrier. A Montardon, comme dans le Béarn ou le Pays Basque, quelques uns quittèrent ainsi la maison natale pour « faire fortune aux Amériques ».
On relève ainsi les noms de quelques Montardonnais :
- Jean Benusse, oncle de madame Couderc de Pau, qui partit en Argentine et obtint même un poste officiel, puisqu’une rue de Buenos Aire porte son nom ;
- dans la famille Pucheu, un père et des oncles partirent en Amérique du Nord, certains y fondèrent un foyer, prirent la nationalité américaine, habitent New-York et viennent régulièrement retrouver la famille béarnais ;
- dans la famille Cami, un grand-père solide se vantait que jamais là-bas, on ne lui avait fait toucher les épaules à terre et dont le fils avait même envisagé d’acquérir la nationalité américaine, mais à la guerre de 1914 il revint en France.Cette vie rurale représente « plus que la somme des individus périssables » qui composent l’ostau, véritable ruche où chaque membre a son rôle défini, elle est « une personne morale, indivisible en biens, détentrice d’un certains nombre de droits : possession de la terre, usages sur les forets et les pâturages » comme nous l’avons vu au sujet des pacages du Pont-Long.
L’ostau béarnais qui correspond à la DOMUS ou OSTAL occitan et la CASE des vallées pyrénéennes, c’est le patrimoine des paysans petits ou grands.
Tout cela bâti à chaux et à sable, en pisé, la paille formant un merveilleux isolant, et en galets avec parfois des inclusions de briques au dessus des ouvertures ou du magnifique porche d’entrée. Un seul demeure à Montardon, sans auvent mais inclus dans la façade de galets, celui de la ferme Lauga.
Enfin, le tout était couvert d’ardoises, de tuiles ou de chaumes. En 1876, on comptait à Montardon 85 maisons dont :
- 49 couvertes de tuiles,
- 36 couvertes de chaumes.
Les bâtiments ainsi décrits délimitent une cour centrale à l’abri des intrus. Évidemment, de grandes variantes existent : la maison simple en équerre avec la grange, percées de petites ouvertures et orientée au Nord pour la protection contre la chaleur.
L’abri étant construit en dur autour de l’âtre, la cheminée est alors montée, car toute la vie va se dérouler autour du foyer.
La cuisine est la pièce principale du séjour, aux solives supportant jambons, saucisses et autres produits du porc, mis ainsi à l’abri des rongeurs ou des chats. Au centre la grande table rustique (taüle) parfois existant à l’état de panetière (la paytère) comportant des panneaux ouvrants pour le pain et le fromage. Le coffre, l’arque banc du coin du feu, lieu de rangement du sel, le vaisselier (bachère) dans lequel s’égouttent terrines et vaisselles. L’évier en pierre creusé dans le mur et l’écoulement de l’eau se fait par la pierre plate qui peut servir de cuvette et qui, à travers le mur, conduit les liquides à l’extérieur.
Enfin, l’âtre proprement dit, avec sa belle cheminée haute et peu profonde, ses chenets (landés ou landres), soit en crosse, soit en coupelles, pour garder l’écuelle au chaud, la crémaillère avec son crochet réglable pour suspendre les chaudrons (caüte) et le trépied (trépé) pour les récipients plus importants.
Les veillées se feront ainsi dans cette pièces principale autour du feu de bois où se racontent tous les événements du village et où s’effectuera en veillées joyeuses le dépiquage du maïs (l’espérouquère). C’est ainsi dans cette pièces que se déroulent les deux actes essentiels de la vie : le Boire et le Manger.
La subsistance quotidienne semble assurée, malgré l’agriculture modeste des petites propriétés.
Anouste que y abut toustem pa ou mesture
Chez nous il y a toujours pain ou meture
Entre « arrape-quoan-n’a » attrape quand il peut, c’est-à-dire l’affamé et celui qui se garnit le ventre « ha’s en u beute », il y avait la place pour « minja u moussec » manger un morceau, sans compter les occasions des jours de fête où avaient lieu des repas exceptionnels, ainsi que le repas des travailleurs qui se concluait sur un gros repas (une hartère), le repas qui rassasie.
La vaisselle était peu abondante et grossière, écuelles et cuillères en bois. La vaisselle de table n’apparaît qu’à la fin du 18e siècle (assiette de faïence) le verre à boire à la fin du 19ème siècle, en étain ou en buis.
En conclusion on trouve en général la frugalité, la sobriété et les qualités d’équilibre par opposition avec l’Hartan, la gourmand excessif autant mangeur que buveur.
- Le puits : richesse de la nappe phréatique, plus de 60 puits.
- Les sources : fontaine de Then, de Houssat, de Garros.
- Les arrius : nombreux dans le commune.
- Les ruisseaux : le Laps, le Luy de Béarn, l’Ayguelongue, …
La corvée de fontaine (houn) revenait aux femmes et aux jeunes filles qui portaient l’eau dans des récipients en argile (terras) ou en bois cerclé de métal (herrade), portés en équilibre sur la tête sur un coussinet en couronne (capété) fait de chiffons entrelacés ou de spathes de maïs. On se servait du « couchet », louche en cuivre à long manche creux qui permettait de puiser l’eau ou boire à la régalade.
Au chapitre des boissons, on peut faire une mention spéciale aux tisanes. Les anciens connaissaient les vertus des plantes en faisaient la récolte et s’en servaient selon les besoins :
- la bourrache et le buis pour transpirer, en cas de grippe ou d’épidémie,
- la bardane, en infusion contre les furoncles,
- la centaurée, la sauge et le cassis pour la circulation,
- le sureau et la camomille pour laver les yeux,
- la mauve et la guimauve comme émollients,
- le frêne et la reine des prés contre les rhumatismes,
- la menthe et la camomille comme digestifs,
- le tilleul et la valériane comme sédatif,
- etc.