L’armée avant l’agriculture
Aujourd’hui, la superbe plaine du Pont-Long (entre l’AGPM et le Luy de Béarn), des deux côtés de la route départementale est entièrement vouée à l’agriculture. Une forte portion de cette surface est communale, les agriculteurs exploitent à partir d’un bail.
Mais dans ce lieu, l’agriculture n’a pas toujours été présente. D’abord balbutiante, elle a ensuite laissé place à l’armée pour des exercices de parachutage. Puis, à l’initiative de René FORGUES et Jean-Marie ARCABOUZET, Maires de Serres-Castet et Montardon, le virage est pris au milieu des années 50.
René FORGUES, longtemps moteur de notre intercommunalité, nous avait conté l’histoire de ces terres du Pont-Long. Voici son récit.
De temps immémorial, les communes de Serres-Castet et Montardon étaient propriétaires de vastes terres en friches, couvertes de tuies ou de bois et tailles : 250ha environ, au sud du Luy de Béarn. Ces terres étaient grevées de servitudes liées à un droit coutumier. Chaque « feu » des deux villages, y compris les non agriculteurs, les artisans, le curé et l’instituteur avaient le droit d’exploitation d’environ 1ha, et l’attribution d’un arbre pour la charpente de la grange ou de la maison que la famille construisait. Cela constituait le revenu essentiel du budget communal. En échange de ce droit, chaque famille acquittait une taxe annuelle. La valeur de l’arbre était fixée par une commission du Conseil Municipal.
Ces agriculteurs disposaient, pour leurs troupeaux, d’un droit de « vaine pâture » mais payaient une taxe au garde-champêtre selon le nombre de bêtes. Il était aussi de tradition, dans les deux communes, de procéder tous les ans à une vente publique de parcelles de tuies et d’une coupe de bois et de taillis. La première vente était réservée aux administrés, mais s’il en restait, une seconde allait à des acheteurs extérieurs, notamment les maraîchers de la plaine de Nay. Le fauchage des tuies, à la main bien sûr, constituait un revenu pour nos petits agriculteurs.
Les terres avaient connu des fortunes diverses sous Napoléon III, décision était prise de les pour cultiver en blé : une « compagnie » s’était installée mais sans succès, amenant à penser que ces terres n’avaient aucune valeur culturale, d’où le retour à leur destination traditionnelle. Mais en 1950, un groupe de jeunes agriculteurs de Serres-Castet décide de tenter un essai de mise en culture de ses terres en friches, sur 30 ha que la commune acceptait de louer. Ils défrichent et la première culture se fait avec du seigle appelé le « blé des pauvres » : la pousse est bonne la seconde année. Entre-temps, grâce surtout au travail de l’AGPM qui avait mis en place de nouvelles techniques de culture, il était clairement démontré que ces terres de landes convenaient au maïs.
En 1953, les conseils municipaux de Montardon et Serres-Castet s’engageaient sur un vrai programme de défrichement, pour les terres privées comme pour les communales. Si l’accord se fait pour les premiers, un gros obstacle demeure pour les secondes, car une grande partie est réservée pour l’armée. Lequel obstacle a été levé par hasard.
En 1954, année d’élection des députés, je suis invité par le docteur Plantier, Maire d’Artix, à l’inauguration de la stèle Jean Moulin. Lors du repas, je me retrouve placé face à Pierre Messmer, Ministre des Armées de l’époque, venu présider l’inauguration. Au cours d’une conversation, il me demande si des difficultés existent dans l’exercice du mandat municipal. Ce fut pour moi un déclic et je lui relate le problème de Montardon qui ne pouvait mettre en culture ses terres communales du fait de la réquisition par l’armée pour des exercices de parachutage. Il en prit note.
La veille des élections législatives, Monsieur ARCABOUZET et moi-même recevons la visite du chauffeur du Préfet pour nous remettre une lettre du Ministre des Armées indiquant que les terres de Montardon seraient libérées au 1er novembre 1954.
Montardon et Serres-Castet montent un programme commun de défrichement, lequel est opérationnel en 1956.